« Comment ne pas être Baudelairien ? »
Je
dois l’avouer j’étais Charlie bien avant les attentats de janvier 2015.
Charlie je suis et je resterai. Je suis Charlie Baudelaire pour la
vie.
Avec
lui la rencontre s’annonçait inexorable. Je remplissais mes soirées
mélancoliques d’adolescent de poésie. Je tentais de me singulariser une
plume à la main planant au dessus des hommes et des océans comme
l’Albatros... j’étais pareillement sensuel face à une parure de bijoux
sur une peau nue et dédaigneux du temps qui passe face à l’horloge et
son inexorable tic-tac. Du moins je me plaisais à le croire !
Mon tempérament était baudelairien de naissance. Trop sensible sans doute. Une chance ? Pas certain.
Bien sûr le maître me dépasse largement dans la démesure :
Il
aimait les putes sans modération, l’odeur des charognes flattait ses
narines et il se livrait à tous les dérèglements, toutes les débauches
et les provocations. Il était plus camé qu’une épave de la Porte Dorée,
plus menteur qu’un arracheur de dents argentées, plus salaud que le
dernier des saligots. Il dépouilla sa mère de son argent, frappa sa muse
les soirs de délire éthylique, insulta le peuple belge dans un pamphlet
méchant, en autres exploits pour justifier son dandysme et faire
jaillir sa poésie née de l’outrance.
Outrancier
mais jamais vulgaire. C’est un des rares poètes dont je peux réciter
par cœur ces vers qui ne l’ont donc pas suivis au tombeau.
Adolescent
mon père nous déclamait, exalté, le poème « il faut être toujours ivre »
tout en réclamant la salière à table. La vie ne manque pas de sel quand
on l’agrémente de poésie.
Ce Jean Teulé est, comme tous les opus de l’auteur consacrés aux poètes - il a écrit aussi sur Rimbaud et Villon, en autre - érudit, precis, bien mené.
On
peut presque sentir la peau et la chevelure poivrée de la noire Jeanne
Duval, bander devant ses provocations vicieuses (pardon mesdames), et
aussi tomber amoureux de la « présidente Sabatier », son esprit et sa
beauté qui mettaient Paris et tous les grands artistes de l’époque à ses
pieds.
Et
que penser du Baudelaire de la fin rongé par une syphilis qui le rend
paralytique puis apathique au point que le seul mot qu’il soit encore
capable de répéter est le juron « crénom » !?
Un
poète qui perd ses mots n’a plus de raison de demeurer sur cette terre.
Baudelaire est mort à 46 ans. Mais son empreinte est si forte lui « le
poète idéal » que je me demande encore comment ne pas être baudelairien
intensément quand on s’intéresse un tant soit peu au génial dandy.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire