jeudi 4 mars 2021

L’homme à la tête de choux Vs l’homme à la tête d’ampoule


 « L’homme à la tête d’ampoule versus l’homme à la tête de choux »


J’ai une supériorité manifeste sur Gainsbourg : j’ai de très jolies oreilles. Ma maman me l’a souvent dit. Bien sûr vous pouvez juger qu’elle manque d’objectivité. Mais j’ai le lobe harmonieux, le pavillon millimétré et si vous saviez le nombre de jeunes femmes qui ont voulu vérifier la courbe de ces harmonieuses esgourdes de près vous en seriez surpris. Peut être même jaloux. J’ai le lobe d’oreille érogène. Lui Gainsbourg c’était sa marque de fabrique ses oreilles décollées, c’était le plus fameux des hommes à tête de choux. Quelle tête sublime quand même ! Si originale. Un artiste que Boris Vian encouragea sur le terrain de la chanson. Avec de pareilles oreilles il ne pouvait que distiller les sons en esthète. 


Gainsbourg avait de nombreux arguments en matière érogène. Ses mots et son verbe bien sûr. Qui habillaient un physique hors du commun : Avant son succès les femmes le jugeaient déjà visiblement « inquiétant ». Et c’est bien connu : les dames aiment à se faire peur. Les Mister Hyde ont la côte. Surtout quand ils cachent une âme délicate et poétique. 


Gainsbourg était d’une timidité maladive, enfant. J’étais affligé du même mal sournois, la timidité. J’aimais jouer dans des placards profonds et lire là bas caché pendant des heures, emmitouflé d’ombre et de solitude, boudant la compagnie de mes contemporains. Au creux de son arbre le poète de Sete vivait heureux, au creux de mon étagère, j’avais la dissimulation heureuse aussi. 


Un jour un camarade malveillant me dit d’ailleurs  en se riant de mon grand front, que j’avais selon lui une tête d’ampoule. Sans doute songeait il a mon placard obscur et à la nécessité de l’illuminer un peu pour y lire sans s’abîmer les yeux. 


J’ai souvent songé  à cette moquerie de cour d’école : une tête d’ampoule. Il ne me restait plus qu’à finir chef de rayon luminaire chez Bricorama. Ou poète à tête d’ampoule admirateur de tous Les Gainsbourg de la terre, ceux qui illuminent nos vies : les inadaptés, les fêlés et les fantasques de la plume sont mes amis. Et avec ça j’écris à l’oreille. Vous savez pourquoi. C’est ma maman qui m’a fait poète ! J’ai de si jolies oreilles.

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