TRIBUne(parue dans Liberation.fr du samedi 8 juin 2013)
Le deuxième tour des élections législatives partielles des Français de l'étranger se déroule ce samedi. L’occasion pour certains de ressortir de cartons poussiéreux l’éternelle antienne de la légitimité relative de ces nouveaux députés.
Les élections législatives partielles qui font suite à l’invalidation en février 2013 de deux députées des Français de l’étranger sont l’occasion pour une génération de nouveaux conservateurs de ressortir de cartons poussiéreux l’éternelle antienne de la légitimité toute relative de ces nouveaux députés. Elus avec une participation limitée qui a pour cause l’antiquité du code électoral (notamment l’insuffisance du vote électronique) et la nouveauté du scrutin, ces députés sont surtout les victimes collatérales d’une désinformation politique croissante. D’un poujadisme d’un nouveau type, branché et de bon ton, qui vise à décrédibiliser d’emblée un mode de représentation avant-gardiste, sans prendre le temps d’en expérimenter la plénitude.
La France est un pays riche de son ouverture sur le monde et de la mixité culturelle de son peuplement. Ses ressortissants ont depuis toujours osé ce pas vers l’extérieur des frontières et ont ajouté à la culture nationale ce qui fait son piment et sa richesse.
C’est la gauche qui en 1982 a permis aux Français de l’étranger d’élire pour la première fois leurs représentants au suffrage universel direct pour rendre hommage à cet outil de la diversité et du développement de notre pays. A côté des sénateurs des Français de l’étranger, le dispositif parlementaire a été complété : c’est la droite qui a finalement créé les députés des français de l’étranger, sur une idée longtemps portée par la gauche ? La belle affaire ! Les 11 députés élus sur 11 circonscriptions législatives, quel que soit leur bord politique, sont un progrès de la démocratie ! Officiellement autour de 1,6 millions à l’étranger, ce sont vraisemblablement presque 3 millions de nos compatriotes qui vivent dans tous les pays du globe. Localement relais de notre culture et de notre savoir-faire, ces Français possèdent, de part la simple force de leur nombre, un droit légitime à être représentés dans les instances politiques de notre pays.
Les réformes qui ont été menées ont fait progresser leur représentation vers un Ministère et des élus à l’Assemblée et conduisent aujourd’hui à une situation nouvelle où leur représentation est en voie de normalisation. En voie seulement car, les dernières élections législatives partielles ont prouvé combien les démons nationalistes, conservateurs et isolationnistes sont encore présents dans le débat public. Les Français de l’étranger souffrent encore étrangement d’une image globalement négative qui les apparentent plus à des voleurs au patrimoine robuste alors que dans l’immense majorité ce sont des Français qui par obligation professionnelle ou attache familiale, (beaucoup de nos compatriotes sont binationaux), ont fait le choix de partir pour souvent revenir et enrichir leur pays. Cette image d’Epinal, complètement erronée, est à l’œuvre dans l’imaginaire des personnes bien pensantes dont les horizons étrangers se cantonnent aux séjours en club de vacances hors de France ou des décideurs myopes pour qui les Français de l’étranger ne sont que des expatriés de passage.
Pour étêter cet ouvrage démocratique d’ouverture vers le monde qu’est l’élection de députés pour les Français de l’étranger beaucoup arguent de la pauvreté de la participation. Critiquer les effets pour détruire le projet étant la méthode des démagogues, ces derniers ne parlent ni de la nouveauté du scrutin et de la mission d’information nécessaire à effectuer, ni du désintérêt croissant et mondialisé pour la chose publique, ni même ne jugent les scrutins nationaux à la même aune critique. Là où la participation pour les dernières élections législatives à l’étranger de juin 2012 avait pu atteindre près de 30% de participation, les élections européennes ou cantonales n’atteignent péniblement que 10% de plus pour des élections qui existent depuis 1979 ou plus d’un siècle pour les élections cantonales.
Car au fond, le chiffre de la participation est aussi important que les commentaires qu’il engendre : ces réactions sont un profond révélateur, de la peur d’autrui, de l’étranger et de la nouveauté qui fait que les raisonnements condamnant l’existence même des députés des français de l’étranger trouvent aujourd’hui une certaine résonnance dans la presse et le débat public. Cachés sous les prétextes fallacieux de la contrainte de la dépense publique et du principe démocratique, ces sophismes cachent mal la faiblesse principale française de ce début de millénaire qui est l’incapacité de la prise de risque et de l’ouverture à l’autre au delà de l’ombre portée par le clocher communal. Les élections législatives qui se déroulent en ce moment, les réactions de ceux qui n’ont connu que les limites étroites de la couronne parisienne, montrent le chemin qu’il reste à parcourir pour percevoir le potentiel et la richesse de la France, dans toutes ses dimensions et ses populations à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières.
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