jeudi 25 mars 2021

Des nouvelles de ma cicatrice (post agression)

 « Des nouvelles de ma cicatrice crânienne »


Ce qu’il y  a de vexant avec le statut de victime c’est que c’est un véritable statut précaire. Ben oui. 


Au temps où les 15cm de ma cicatrice crânienne étaient très apparents, rouge sang, empreinte un peu degueulasse il faut bien le dire, il ne serait venu à personne l’ambition de me challenger sur le terrain de la victimisation. Ben non. On voyait bien que je m’étais fait emplafonner la caboche, défoncer la tête à coups de casque puis ouvrir en deux par des chirurgiens diligents qui m’avaient découpé tel une boîte de conserve usagée pour évacuer l’aubergine confite qui était en train de me pousser sous la cloison crânienne.

 

Cette cicatrice crânienne c’était mon trophée, un vrai piège à filles (qui aiment se prendre pour des infirmières bénévoles), c’était un peu ma muse et mon inspiration confondues.


Je réalise trois ans après que c’était  un peu de la camelote tout de même. Elle est beaucoup moins voyante désormais la cicatrice. Et même la partie de mon crâne affaissée qui forme un léger creux, comme une assiette en porcelaine ébréchée, est à peine visible à ses côtés. 


J’en suis arrivé à me demander  si mon agresseur, au fond, n’aurait pas dû m’en mettre un coup de plus pour en saisir une empreinte plus durable. Pourtant il a tapé deux fois. Et avec application. Un sicaire n’aurait pas été plus précis. Et bien je réalise que c’était tout de même insuffisant ! 


Le troisième coup aurait été magistral. Une cicatrice certainement agrandie, durable, faisant l’admiration des grands comme des petits :


« Il a quoi le monsieur sur la tête ? Le gros trait rouge là ? » 

« Touche pas Gaspard je suis sûr que c’est contagieux »


Les Boomers m’auraient comparé à Albator le balafré, les poètes à l’Albatros avec sa cicatrice géante qui l’empêcherait de (faire)marcher (ses neurones)... j’aurais peut-être été élu crâne d’Albâtre à l’académie  des beaux arts qui m’aurait érigé en modèle absolu. Oh cicatrice symbole du Beau et du Vrai. 


La cicatrice d’ordinaire va bien aux chauves. Ma cicatrice trop solitaire sur mon crâne dégarni n’est plus qu’une frontière effacée comme un Schengen enfin rétabli.


Les filles me disent désormais qu’il ne faut pas que je m’inquiète. Qu’on ne la voit presque plus. Que c’est pas si terrible au plan esthétique. Elles ne pourraient me faire plus de peine en vérité. 


Se faire dérouiller, aller en réanimation bien avant que cela ne soit à la mode comme sous l’épidémie de Covid, se donner tout ce mal, ces bourdonnements a l’oreille, ces étourdissements, ce sang qui coulait par mon tympan pendant des semaines pour ne garder aucune trace ou presque de tout cela.


Devrais-je demain me la faire tatouer pour mieux en raviver  le tracé ?


Qu’on me rende ma cicatrice plus visible. Qu’on prévienne l’assemblée. Mon député préféré n’a pas suffisamment bien travaillé.

PS : trois ans et demi après la violente agression à coups de casque, mon agresseur poursuivi pour « violence volontaire avec arme par destination » par le ministère public au terme de l’instruction n’a toujours pas été jugé. Pas de date de procès à ce stade. On va dire que la crise Covid a bon dos...


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